« Le soir du troisième jour, alors que nous avancions dans la lumière du soleil couchant, dispersant au passage une bande d'hippopotames, sans que je les eusse pressentis ou cherchés, soudain m'apparurent les mots : ‘ RESPECT de la VIE ’ ». Albert Schweitzer (une apparition alors qu’il cherchait l’éthique universelle) Sommaire : Résumé Méthodologie Préambule philosophique Préambule scientifique Préambule systémique Principe général d’action biomiméthique Exemples d’applications - La reconquête de Yacouba Sawadogo sur le désert - La gestion des ‘nuisibles’ & ‘mauvaises herbes’ en permaculture - L’agro-sylvo-pastoralisme pour restaurer les sols dits ‘agricoles’ Conclusion Quelques références bibliographiques Résumé Le projet de cette présentation: comprendre des lois naturelles du Vivant et proposer la biomiméthique : la Nature, source locale d’inspiration et base générale : -> d’une éthique pratique du développement durable, -> de ’modèles de conscience’ adaptatifs et éducatifs, -> pour le bien des hommes, des organisations , de tous les êtres vivants. Méthodologie Le cheminement conduisant à la biomiméthique démarre avec l’évidence du choix existentiel: l’amour de la vie, et de sa conséquence immédiate: la vision d’un bien-être individuel. Depuis l’intérêt individuel pour sa propre vie et pour l’élaboration d’un bien-être durable, une prise de conscience empathique s’élabore, d’abord tournée vers soi, puis orientée vers tous les êtres vivants. Le respect de la vie pour soi et la conscience de cet état pour l’ensemble du vivant construisent une vision où l’appel partagé pour le bien-être individuel passe par une intégration respectueuse dans le collectif. Alors, comme une évidence, dans une compréhension holistique du monde, ce partage vital s’exprime, dans le respect de la vie et de la nature, par la biomiméthique : un système universel de principes d’action, qui fonde des valeurs générales pour une application adaptée, par une intelligence locale, au profit du bien suprême de l’individu et de tout le vivant. Le regard sur la nature évolue depuis une spécialisation dualiste vers une systémique globale où les interactions constructives sont prédominantes dans la compréhension des rôles des différents participants de l’ensemble. En appliquant les modalités de fonctionnement du vivant, toute action s’inspire alors du système le plus durable qui soit : la vie de la nature. Et le développement empathique avec la nature ouvre une école de la vie où l’expression de l’être devient centrale, préparant à une qualité de vie et des états de conscience ascensionnels. Dans cette élaboration de soi, le choix du respect est fondateur d’une qualité d’évolution expansive. La peur ou la destruction qui modèlent encore trop d’intentions et actions conduisent à une contraction, une réduction vitale des systèmes et une décadence des sociétés. Par la biomiméthique, les fruits du libre-arbitre s’élaborent dans le respect, pour le bénéfice de chacun et de tous et l’homme retrouve une position maîtresse au sein de la nature, par sa conduite responsable des affaires du monde. Les domaines d’application sont trop nombreux pour les énumérer tous: - la permaculture, - l’écologie et la géomorphologie de préservation, - le management des organisations, - l’actuation sociale d’un nouvel entreprenariat, - de nouveaux schèmes éducatifs, l’heuristique, - la biologie, - la santé, la psychologie, le développement personnel, - les mathématiques, la physique, l’histoire, ... Préambule philosophique L’histoire des sciences connait un bouleversement avec l’école de philosophie de Milet. Au début du 6ème siècle av. J.-C., ces philosophes pré-socratiques de la Grèce antique innovent en matière de représentation mentale dans l’édification de la connaissance. Ainsi naît la physique, c’est à dire l’étude de la nature où la pensée épie les harmonies démontrées dans le monde. Les fables mythiques fondant les origines des phénomènes sont alors remplacées par des concepts. Des enquêtes scientifiques se développent et la planète terre s’installe dans l’univers avec la pensée d’ Anaximandre. Lors des éclipses, l’ombre terrestre sur la lune suggère sa rotondité et soleil et étoiles encerclent eux-aussi le théâtre du déploiement vital environnant nos anciens. Affichée à Delphes au frontispice du temple où officie l’enthousiaste et sibylline pythie, la devise d’un des sept sages donne la tonalité de l’époque : « Connais-toi toi-même ». L’homme doit trouver sa propre mesure. Anaximandre développe alors un concept très novateur: l’ « arkhe » , ou origine perpétuelle de tous les phénomènes, s’exprimant depuis un « apeiron », support infini et éternel de l’éphémère phénoménologique. Ce concept sera repris en théorie quantique des champs et le vocable utilisé par Max Born pour une représentation des formulations mathématiques de son collègue physicien Werner Heisenberg : le réel vu comme une émergence issue d’un champs de potentialités. Au 4ème siècle av. J.-C., le sanctuaire de Delphes rayonne encore de son influence sur le monde comme le rappellera Platon dans un prudent hommage au dieu Apollon, qui guide le genre humain et règle au travers de sa prêtrise, une part importante des affaires publiques. L’athéisme supposé du maître Socrate entrainera même une condamnation définitive. La veille du jour où Platon se joint à lui comme disciple, Socrate rêve qu’un cygne se pose sur ses genoux, fait son plumage et prend son envol ... En effet, Platon crée ensuite son Académie à Athènes et pose le Bien comme fondement naturel. Il vante la mesure, source de sagesse et de vertu, en étudiant l’intelligible et ses formes pour retrouver le bon au-delà du sensible, et il cherche à définir logiquement le meilleur système pour gouverner la vie commune. Mais son éthique trop politique lui vaut aussi quelques déboires. Une morale plus respectueuse de la vie commence néanmoins à se dessiner : tout dieu qu’il est, Apollon lui-même, doit s’exiler pour expier son meurtre du monstre Python, émissaire de la terre Gâ. Dans l’Académie de Platon, Aristote devient enseignant, avant de fonder, par amour pour la vérité, son Lycée : une école naturaliste où l’on devise en se promenant. Faisant sienne la formule de Delphes invitant à la recherche introspective, et s’éloignant de la mantique et des superstitions, Aristote s’appuie sur ses capacités de perception et de cognition pour comprendre les principes du monde sensible. L’intelligibilité ne se limite pas à la logique et son pragmatisme s’enrichit d’une intuition ou d’une sensibilité, à la différence d’un Descartes qui se limitera à un rationalisme compatible avec une église encore puissante et vindicative sur le sujet de l’âme. Aristote étudie la nature avec une acuité qui subjuguera même Darwin au faîte de sa gloire. Aristote pense l’immanence du vivant comme un hylémorphisme, une essence intimement liée à la matière de l’être. Cherchant le bien des hommes comme une finalité de vie, son éthique devient une science pratique, un principe d’action avec mesure, utile dans la vie quotidienne. Dans son dualisme matériel, Aristote distingue déjà la potentialité de l’actualité, des notions retrouvées plus tard en Mécanique Quantique avec la fonction d’onde de Erwin Schrödinger qui représente des probabilités de réalisation, et se réduit à une actualité par l’acte d’observation. Ainsi, le physicien Werner Heisenberg de compléter l’idéalisme Platonicien et le réalisme Aristotélicien : « Dans les expériences en physique atomique, nous sommes aux prises avec des phénomènes tous aussi réels qu’un évènement de la vie courante. Mais atomes et particules élémentaires sont en elle-mêmes comme irréelles et forment un monde de possibilités, plutôt que des faits ou objets... L’onde de probabilité... qui représente une tendance pour quelque chose, une version quantitative de l’idée de potentialité d’Aristote. Ceci introduit une étrange sorte de réalité physique, située à mi-distance d’une idée et de la réalisation d’un évènement, entre possibilité et actualité. » Théophraste, élève, puis chercheur associé, ami et successeur d’Aristote au Lycée prolongera encore cette approche pour le respect du vivant, relevant la sensibilité et la rationalité des animaux, leur reconnaissant une vie émotionnelle et une forme de psyché. Plus près de notre actualité, John Stuart Mill est victime à vingt ans d’une dépression. Il reconsidère l'utilitarisme de Bentham et de son père : l’éducation qu'il avait reçue avait fait de lui une exceptionnelle ‘machine à penser ‘, et l’avait dans le même mouvement coupé de son moi profond, vidé de toute forme de sensibilité. Dès lors, il tente de concilier logique et vie des émotions, et faire surgir en lui la vitalité du cœur ! Et bien sûr se fait jour aussi, chez nombre de philosophes antiques ou plus contemporains, une pratique méditative ou contemplative et l’intégration comme source d’inspiration philosophique : des états d’être vécus, des rêves, visions et des expériences d’états de conscience particuliers. La philosophie rationaliste de Bentham a vécu et le confort de quelques uns ne peut justifier la pénitence de tous les autres : un calcul du solde net de bien-être ne suffit pas à l’élaboration d’une morale sociale ... La maîtrise technocratique de Descartes achève elle aussi de s’empoisonner dans une possessivité de la nature où le savoir ne comprend pas la vie et où la science dichotomique exclut ce qu’elle ne parvient pas à contenir. Pourtant le principe de l’amour relève de la raison : stoïciens et chrétiens ont finis par se rejoindre, dans la place centrale que ce sentiment occupe pour stabiliser une société, élément nutritif essentiel de l’âme et sol fertile de l’esprit en plein épanouissement. De même, David Hume a récemment installé l’empathie comme fondation naturelle et rationnelle de l’éthique. Puis, au début du 20ème siècle, l’horreur de la guerre ébranle le Darwinisme conquérant et pousse Albert Schweitzer à formuler de nouvelles bases éthiques. A l’instar de la vie, son éthique véritable se revendique active. Le bien de l’homme devient un concept global de la personne, rationnelle et sensible, vue comme unification de différents niveaux : corps-âme-esprit, animal social et créateur inter-dépendant, s’élevant progressivement au dessus des passions dans une évolution libératrice de sa conscience élargie. Plaçant la vie au rang de valeur vénérable, le Dr Schweitzer en appelle à une égalité de respect de tous les êtres vivants. Pour lui, le bien fondamental réside dans cet amour dévoué au vivant, générant de la sorte une relation spirituelle au monde. Aussi, par l’approfondissement du respect de soi, Albert Schweitzer invite chacun à rencontrer sa vérité personnelle, à se connaître et prendre sa propre mesure, dans une révélation de grandeur évolutive au sein du vivant. Préambule scientifique L’histoire des sciences connait une renaissance au début du 20ème siècle malgré le regard souverain de lord Kelvin qui ne voyait que de menues améliorations à venir pour compléter la connaissance de l’époque. Mais sa radiographie de la physique était mauvaise. Avec Plank en 1900, c’est bien sûr Albert Einstein qui va ouvrir le bal en 1905 sur le double front de la relativité et de la quantification des échanges photo- électriques. Depuis cette fameuse année, va naître une succession d’avancées théoriques en Mécanique Quantique qui vont transformer la vision réductionniste et mécaniste héritée de Newton et Descartes entre autres. Einstein prolongera en 1915 son oeuvre avec une troublante et populaire théorie de la relativité générale qui fige maladroitement un temps paramétrique dans le carcan de la représentation mathématique d’une géométrie locale, déduite des influences de la matière-énergie avoisinante. L’idée d’une consubtantialité de la matière, de l’espace et du temps était pourtant très inspirante et inspirée. Mais cet écheveau confus de grandeurs distinctes dans leur nature et d’axiomes conjecturés reste à ce jour encore dissocié d’autres descriptions physiques qui ont pourtant démontré toute leur pertinence et ouvert de vaste champs d’exploration scientifique. L’unification de la gravitation (effets dans l’espace continu des observations) aux autres interactions fondamentales (quantifiées dans l’espace des potentialités d’états) reste un ambitieux projet. Et les considérations relativistes se sont péniblement insinuées dans les formulations de la Mécanique Quantique. Néanmoins l’élan est donné. Une physique nouvelle montre une réalité faite de potentialités (fonction d’onde de Schrödinger) s’actualisant dans une interaction dépendant de l’observateur (réduction de la fonction d’onde). La matière se fait énergie vibratoire (De Broglie) et se vide. Le vide se remplit d’énergie et de particules virtuelles aux effets observables (effet Casimir). Les certitudes concernent à présent les informations obtenues sur le système étudié qui reste lui inaccessible dans son essence : il est à la fois particule et onde vibratoire et pré-existe statistiquement, dans une indétermination intrinsèque (principe d’Heisenberg). Cette superposition d’états heurte le sens commun matérialiste. Ne pouvant se résoudre à cette vision nouvelle, Einstein propose en 1935 la réfutation EPR (Einstein-Podolsky-Rosen), formalisées en 1964 par les inégalités de John S. Bell. En 1982, Alain Aspect confirme la Mécanique Quantique à l’aide de photons intriqués et la causalité transcende l’espace de cette observation. Cette expérience est confirmée et affinée, avec des particules plus ‘matérielles’ (Anton Zeilinger), sur de plus grandes distances, jusqu’à transcender le temps (choix retardé de Marlan Scully 1998, dispositifs mobiles d’Antoine Suarez-Nicolas Gisin 2001). La formulation quantique est ainsi bien confirmée dans sa non-localité, avec l’état de superposition, co-existence d’attributs observables incompatibles. En perdant une part de son objectivité, l’espace-temps retrouve une platitude. En supplément de ces avancées conceptuelles majeures, de nouveaux mythes et superstitions s’installent :
L’histoire des sciences connait une évolution radicale au milieu du 20ème siècle avec Ludwig von Bertalanffy qui va se focaliser sur la dynamique des interactions, et créer la théorie générale des systèmes. Il voit des systèmes partout ! Sa méthode d'étude est une façon de penser les ensembles organisés ou objets complexes, une approche globale, avec différentes perspectives selon différents niveaux d’organisation et surtout qui prend en compte les relations et interactions entre parties de l’ensemble. Un système isolé n’existe pas et son évolution est indissociable de son environnement : il ne peut être séparé du tout. La dichotomie traditionnelle, la spécialisation sont remises en question car sources de biais cognitif ou par une simplification trop réductionniste. Les interactions nous enseignent sur les fonctions remplies par une entité pour l’ensemble et produisent un ensemble qui ne se réduit pas à la somme de ses parties. Alors, les propriétés holistiques reviennent dans le champs d’étude et ainsi renaissent une perspective, une conception unitaire du monde où des principes généraux et des régulations semblables peuvent émerger de différents environnements. Des isomorphismes conceptuels, des lois et modèles peuvent utilement se transférer et ouvrent des espaces nouveaux de créativité trans- disciplinaires. L’intelligence des processus va progresser depuis les boucles de rétro-action, vers l’auto-organisation (montrée par Ilya Prigogine dans les structures dissipatives ouvertes) en élargissant le principe traditionnel de causalité : admettant la téléologie ou finalité comme postulat opératoire de base. La systémique prolonge la philosophie et la science des formes initiée par Aristote, et enrichie avec Leibniz, Kant ou encore Goethe avec sa métamorphose des plantes. Dans sa boite à outils, elle utilise l’analogie, la métaphore, l’isomorphisme ou similitude structurelle, et la poésie ! L’imprécision de la transposition n’en réduit pas sa fécondité, ni sa pertinence. Et des représentations graphiques ou animations peuvent transcrire très habilement certaines réalités concrètes. Fondation nouvelle de l’analyse scientifique, l’intersubjectivité s’inscrit au coeur de la systémique, qui globalise et agrège pour garder le maximum d’information utile. L’intuition, l’imagination, la créativité ou heuristique, la sérendipité même, reprennent la place qu’elles occupaient au tout début de l’histoire des sciences. Enfin, les applications sont très nombreuses : communication, sciences sociales, psychologie (école de Palo Alto), écologie, économie, management des organisations, philologie, stratégie, pédagogie, techniques de l’information ... Principe général d’action biomiméthique Voici posés les fondamentaux de la biomiméthique : l’amour, l’empathie, le respect du vivant, l’importance des interactions dans un ensemble, une compréhension holistique du monde, une vision d’harmonie personnelle et sociale. En se tournant vers la nature pour comprendre son fonctionnement, la vie se révèle par ses actions. Le regard change et aide ensuite à reproduire sa systémique à fin d’une intégration respectueuse. Dans son système de loi, de coopération et d’ordre, la nature de la vie s’exprime. Même si leur exécution superposée et simultanée ne les rends pas évidentes de prime abord, certaines actions peuvent être distinguées comme suit. Travail et Croissance Tout ce qui vit oeuvre et croît, en rythmes et en continu. Les équilibres vivants sont dynamiques : instables et régulés dans leur mouvement. La stase ou stagnation est un état souvent mortifère ou nécrosant. Universelle, la croissance est un principe incontournable de l’existence qui trouve son expression à différents niveaux: le corps physique n’est qu’un aspect. La nature accomplit également cette oeuvre dans une diversification, une créativité adaptative au gré des environnements et des ères. L’homme aussi peut réaliser ce principe de croissance au delà du matériel : au niveau de sa connaissance et compréhension de l’univers, de ses relations, de sa sensibilité empathique, de son bien-être, de l’éveil de sa conscience, avec des périodes expansives de progression rapides et des temps de dormance et maturation. Alimentation et Nourriture L’alimentation de tous les organismes vivants est assurée en tenant compte de leurs préférences et besoins. Un processus de digestion adéquat assure la transformation en nourriture et entraîne santé et bien-être. L’émergence de la lactation des mammifères, disponible dès la naissance, reste un bien joli et fascinant défi évolutionniste, enrichi de la phase du colostrum des premiers jours : un petit miracle dont les médecins modernes continuent de redécouvrir les bienfaits, dans la lignée, par exemple, du vaccin oral protégeant de la polio. Régénération Ce miracle commence dans le métabolisme de la plus petite des cellules dont les parois peuvent permettre l’entrée des éléments nutritifs utiles et assurer l’évacuation des déchets métabolites. Puis, comme le souligne Janine Benyus : « La vie produit des conditions favorables au développement de la vie. » Le recyclage de la nature est total : le déchet de l’un devient la nourriture de l’autre. Avec la globalisation, la possibilité d’une poubelle disparaît ; mais l’homme est si prompt à inventer des déchets, tel Jean-Paul Sartre repoussant ses rebuts dans un hypothétique néant philosophique ou social. Pourtant, l’inconscient freudien ou jungien étaient déjà bien définis ! Et le néant n’est qu’un vertige conceptuel, empli de conscience aussitôt qu’il est découvert. La nature a horreur du vide et le néant s’en trouve exclu. Aussi avec la rotondité et les dimensions limitées de notre planète, l’homme se retrouve vite à vivre sur un tas d’immondices. Et c’est peut-être leur finalité que d’éveiller l’homme à sa responsabilité dans sa participation au vivant. La nature n’avait pas inventé de déchet avant l’apparition de l’homme dit moderne, car tout y est utile : « rien de trop » comme disait une maxime du sanctuaire de Delphes. Guérison Pour assurer les conditions de confort, ce processus naturel et surprenant de l’aggradation se retrouve au niveau de l’organisme individuel aussi bien que d’un système plus global:
En 1988, David Tillman note que la bio-diversité est beaucoup plus résilience face à la sécheresse. Il trouve une forte et surprenante corrélation entre diversité et stabilité de diverses zones d’une prairie a: les approches paramétriques de systèmes isolés montrent leurs limites. Il existe aussi des mécanismes de régulation jouant un rôle de protection par des effets modérateurs des excès, par des interconnexions de soutien au sein d’une population, des relais assurant une continuité au sein d’écosystèmes tel le lierre dont la sève fournit du sucre aux abeilles durant l’hiver ou les pucerons de diverses espèces végétales qui se relaient durant la période végétative et assurent la perpétuation des syrphes. L’arrivée d’un manteau neigeux précède souvent le froid intense. Tout comme les arbres recouvrent leur sol de feuilles avant l’hiver, qui vont isoler du froid leur racines et protéger puis nourrir les micro-organismes aérobies du sol contribuant à l’alimentation en minéraux et au maintien d’une salutaire humidité. Satisfaction des besoins Souvent combinée avec la fonction de protection, la satisfaction des besoins se révèle par exemple dans l’agencement harmonieux de nombreuses physiologies : des sourcils et cils pour protéger les yeux en cas de pluie ou de sueur, des ongles ou griffes protégeant les terminaisons sensibles sur les pattes ou les doigts, des poils protégeant des poussières le système respiratoire, un émail dur pour des dents plus résistantes à l’abrasion, des glandes sébacées limitant le dessèchement de la peau ou la brûlure pour les zones exposées aux frottements. La satisfaction des besoins de la nature se distingue plus facilement à un niveau systémique. Différentes plantes sont bio-indicatrices de l’état d’un sol ou d’un éco-système et contribuent au rétablissement de conditions plus propices au développement de la vie, comme une forme de guérison de l’éco-système. Perpétuation Guérison, alimentation et protection participent de la survie qui va s’étendre au delà des individus par la reproduction de l’espèce. Et la régénération et le recyclage à cent pour cent sont aussi indispensables pour assurer la perpétuation. Ainsi, c’est toute l’organisation de la vie qui participe à son prolongement dans un esprit de coopération et d’harmonie qui réunit des milliards de cellules au sein d’un organisme, ou des milliards d’organismes au sein d’un éco-système. Et c’est le propos de la biomiméthique d’aider à reproduire cette intelligence à l’oeuvre au sein de tout le vivant pour y retrouver une intégration harmonieuse. Comment s’articulent les fondamentaux de la biomiméthique ? Le point d’ancrage de la démarche se constitue dans le pourquoi, avec la question du choix existentiel. Et ce choix fondamental, parfois enfoui ou refoulé, ne se constitue pas dans une morale, une notion relative de bien ou de mal. Il ne peut pas plus s’appuyer sur la peur, par essence contraire à la vie dans la contraction et le retrait que la crainte induit. La vie, elle, est émergence, engagement, élan coordonné et déploiement dans l’espace et le temps. L’amour de la vie est le choix fondateur. Il commence par l’amour de chacun pour sa propre vie, dans un mouvement empathique intériorisé et un éveil de la conscience. A partir de ce oui à l’être s’élabore immédiatement la réponse à la question suivante qui permet de construire la vision, le projet de chaque vie. Et l’appel pour le bien-être s’impose naturellement comme racine essentielle de l’existence. Pour parvenir à la vision d’une harmonie dynamique d’intégration optimale et durable, tenant compte de toutes les dimensions de l’être: corps, âme et esprit, et dans une compréhension holistique du monde, le respect de la vie devient un choix du coeur autant que de la raison. L’ empathie nous guide encore, cette fois tournée vers le vivant, aidant à la conscience du partage du patrimoine commun : l’amour de la vie et son respect nous commandent des actions biomiméthiques. Dans cet accord naturel vont s’élaborer des valeurs, de responsabilité, partage, respect, intégrité ou inclusion, avec une expression essentielle de chacun dans une école de la vie et du sens, instruisant la conscience, la nourrissant de ses choix, de sa rencontre et compréhension des autres êtres et de la nature. Ce mouvement d’ouverture, dans l’intérêt de soi et du vivant, initie les premiers pas d’un parcours ascensionnel, dans une élaboration de l’être avec des modèles de conscience pleins de vitalité, dans une poïèse de soi complémentaire à la proposition biomiméthique. La poïèse de soi se définit de la façon suivante : une pratique de la conscience humaine, par l'action et les choix à faire, où l’agent crée et éveille en lui-même le principe choisi. Dans le cas inverse, l’agent devient l’objet et le produit d’autrui, des circonstances, de l’exercice d’une fonction ou d’un environnement de vie. Cette pratique s’appuie sur les lois de l’esprit : ce que l’on place dans sa conscience y grandit : - ce que l’on croît être, on le devient. - ce que l’on craint nous revient, - ce que l’on espère aussi ! Faire exemple crée un modèle de conscience; on l’attire à soi en s’accordant à lui. Ainsi, les fruits du libre-arbitre prennent tout leur goût, dans cette aptitude humaine à se modeler, créer des circonstances, un environnement, des relations et des états d’être. La biomiméthique nous guide à accueillir toujours plus l’esprit de la vie, changer nos points de vue, goûter le réel et trouver des voies nouvelles pour changer ce qui est en notre pouvoir : dans un esprit de liberté, avec une ouverture créative pleine d’intuition poétique, dans un plaisir esthétique et une joyeuse expansion, au gré d’une divertissante diversité où vagabonde la curiosité en éveil. Comment mettre en pratique la biomiméthique, et mieux respecter la vie en faisant un avec elle ? Les éléments de réponse viennent avec la transposition pertinente d’une systémique universelle à des conditions locales, et l’étude des relations dans l’éco-système local. Tout d’abord, il faut observer et respecter l’environnement pour comprendre et aider la nature dans son oeuvre. Dans cette complicité, il est primordial de faire travailler ou laisser travailler la nature ou les principes naturels pour conduire un changement. Lutter contre la vie est une tâche épuisante et sans fin. En continuant l’oeuvre naturelle et en orientant son intelligence dans le sens souhaité, et avec un peu de patience, s’obtiennent progressivement une transformation durable avec un travail minimum et des résultats dans des proportions qui dépassent les attentes. Voici quelques guides pour démarrer plus aisément le processus biomiméthique :
Exemples d’applications La reconquête de Yacouba Sawadogo sur le désert Les experts sont restés perplexes face à la progression du désert au sahel. Des commissions internationales ont longuement étudié le problème, ont cherché des solutions pour aller contre ce fléau qui englouti petit à petit l’Afrique sub- saharienne. En vain. Leur lutte contre le désert n’a produit que des résultats insignifiants. De son coté, Yacouba Sawadogo aime la vie. Et dans son village, la vie : c’est l’eau. Celle qui vient rarement mouiller de quelques gouttes des terres durcies comme un roc. Yacouba aime l’eau. Plutôt que de se battre contre tout un désert, Yacouba décide alors d’attirer l’eau. Il rêve de la voir rester longtemps dans sa terre, pour faire pousser son millet de la plus belle des façons. Alors, avec sa pioche, il creuse des trous pour retenir l’eau. Et puis Yacouba va plus loin, contre l’avis des sages de son village qui le traitent de fou, qui moquent ses étranges idées et lui promettent la vengeance des esprits, qui disent qu’on ne remet pas impunément en question les traditions ancestrales. Yacouba veut multiplier l’effet de ses trous en incorporant dans chacun d’eux quelques termites. Bien sûr, il pense à leur offrir le couvert en même temps que le gîte, et il place du bois fragmenté, de la matière organique pour nourrir ses invités. Les termites oeuvrent et réalisent de denses réseaux de tunnels, prêts à infiltrer un maximum d’eau. Yacouba pense aussi à faire de petits murets, pour retenir plus longtemps l’eau sur ses terres. Et quand vient la saison des pluies, il plante dans ses trous devenus vivants et fertiles, du millet mais aussi et surtout des arbres, pour nourrir plus de termites encore, et préserver le sol redevenu humide et vivant de la brûlure du soleil. Rapidement, sa méthode de travail lui procure des rendements triples de la production habituelle de millet. Alors d’autres imitent ses pratiques, viennent apprendre avec lui, et c’est tout le village qui se transforme, puis la région ... La forêt renaît et après quelques décennies, Yacouba savoure le fruit de ses idées, dans la fraîcheur ombragée de ses arbres, pendant que les termites travaillent à retenir plus d’eau, profitant du chant des dizaines d’espèces d’oiseaux qui sont venus profiter de la vie restaurée dans ce coin du Burkina- Faso. La gestion des ‘nuisibles’ & ‘mauvaises herbes’ en permaculture Curieusement, les ‘nuisibles’ ne sont pas toujours si mal considérés qu’il faille les exterminer. Quand aux mauvaises herbes, elles n’étaient pas même si mauvaises quelques décennies auparavant. En permaculture, elles se nomment plus joliment adventices ... Les adventices servent à déterminer quelle est la nature et l’état du sol. Elles constituent des indicatrices comme les ‘nuisibles’, qui remplissent toujours une fonction au sein de l’éco-système. C’est la compréhension de cette fonction qui va aider à réduire l’action des ‘nuisibles’ et délimiter, réguler ou réorienter leur action. Les pucerons sont généralement gênants pour la croissance des plantes. Par leur prélèvement de sève, ils ponctionnent l’énergie végétative et provoquent des réactions de protection des plantes, qui renforcent leurs cellules de surface, mais en conséquence, freinent leur développement. Une régulation idéale peut survenir par l’action des syrphes, qui pondent leurs oeufs au voisinage des pucerons, constituant ainsi le futur garde-manger de leurs larves. Cette régulation est très efficace : quelques dizaines syrphes suffisent pour 3000 m2 de framboisiers, comme dans les milieux sauvages. La diversité de plantes et aussi de pucerons contribuent à maintenir une présence des syrphes tout au long de l’année. Au jardin, l’idée sera de reproduire cette diversité végétale, et par exemple de tolérer un sureau, pour protéger des framboisiers (et produire un délicieux sirop). En multipliant les points d’équilibre et de régulation, et en acceptant un petit prélèvement sur la récolte, les ‘nuisibles’ se régulent très bien. De plus, la diversité constitue un modèle et un refuge pour les années de grand déséquilibre où un ‘ravageur’ dévaste toute une frange de la production. L’exemple des limaces est similaire. Elles forment un organe de digestion des végétaux en décomposition et des champignons, elles sont indispensables à l’activation de certains spores, mais peuvent nuire terriblement à la production des jardins ou des champs. Alors, les prédateurs de limaces seront invités dans le voisinage sous la forme d’un compost, de bois en décomposition ou d’un couvert de bois fragmenté. Les limaces pourront être éloignées par quelques crucifères dont elles sont gourmandes pour les distraire des jeunes plants en formation. Ou bien même picorées par quelques poules grâce à un agencement bien réfléchi. Concernant les adventices, le couvert végétal, le paillage ou même des bâches sont très utiles pour limiter ou supprimer leur germination. Leur fonction première est souvent d’assurer la couverture, l’aération et la protection du sol. Cette couverture du sol se réalise à l’aide de foin, paille ou bois raméal fragmenté selon les besoins, ce qui nourrit le sol et épargne pour l’essentiel des fastidieuses tâches de désherbage. Sinon, pissenlits ou pourpiers s’intègrent depuis l’antiquité dans de délicieuses salades ! L’agro-sylvo-pastoralisme pour restaurer les sols dits ‘agricoles’ Les pratiques agricoles modernes ont accéléré la dégradation des sols, par ignorance, par une mécanisation outrancière et abus de la chimie. Ainsi, les sols se sont progressivement vidés de leur vie biologique: par l’acidification et la minéralisation artificielle résultant des intrants chimiques ou de l’irrigation, ainsi que par un travail excessif enfouissant la part aérobie de la faune de surface, et exposant à l’air et au soleil, la partie anaérobie de la faune du sol. Les indicateurs de vie biologique des sols sont en baisse, dramatique parfois, et la fertilité décroit ou ne permet pas d’atteindre les potentiels envisageables avec les graines sélectionnées. Alors, pour remédier et renverser ce constat catastrophique, de nouvelles pratiques se mettent en place :
Conclusion Dans la biomiméthique, la construction rationnelle de valeurs nobles nous distrait parfois du coeur de la démarche: l’amour, l’empathie, le lien donnant du sens. Au delà de l’analyse fonctionnelle du vivant, l’empathie nous guide pour nous laisser toucher par le beau et émouvoir par les sensations, réjouir par les chants d’oiseaux, éveiller par les odeurs, apaiser dans la fraicheur vibrante d’une forêt, inspirer par le mystère de la création, et voyager dans le tissu de l’existence pour en percevoir un enseignement, résonner de notre essence, développer par l’action consciente des états d’être, de présence élargie et libérée dans une école de la vie pour une évolution, une transformation, un chemin sans objectif où la trace naît du mouvement lucide d’un caractère trempé dans l’amour du vivant. Par cette imitation de l’oeuvre de la nature, par cette biomiméthique, l’homme moderne peut retrouver la plénitude de son humanité, se fonder dans les valeurs propices à la construction d’un devenir dynamique et durable, renaître et habiller d’une majuscule le vocable Humain, dressé comme le symbole multi-millénaire de nos racines à Gobekli Tepe, générique de la dualité reliée, réintégré, présent sur terre comme en un foyer provisoire, avec la chaleur de nos coeurs, dans l’unité du monde. Voici tout l’espoir de la biomiméthique : Faire en nos coeurs sonner la ritournelle d’Hervé Coves : « La vie est belle ! » Quelques références bibliographiques Albert Schweizer : ‘La civilisation et l’éthique’: Yacouba Sawadogo : ‘l’homme qui a stoppé le désert’: https://youtu.be/nSTV-KcAd_0 . Aristote : ‘Ethique à Nicomaque’. Epictète : (Arrien) ‘Le manuel’ ; ‘Les entretiens’. Pierre Rabhi : ‘Manifeste pour la Terre et l’humanisme’ . Peter Wohlleben : ‘La vie secrète des arbres’. Maître Eckhart : ‘Granum Sinapis’ ( Le grain de Sénevé ) . Farid ad-Din Attâr : ‘La conférence des oiseaux’ . Rupert Sheldrake : ‘The science delusion’ : https://youtu.be/JKHUaNAxsTg . Michel Bitbol : ‘A propos du point aveugle de la science’ (la donation expérientielle) : http://michel.bitbol.pagesperso-orange.fr/POINT_AVEUGLE.pdf . http://michel.bitbol.pagesperso-orange.fr/NEVER_KNOWN.pdf . Sébastien Bourdreux : ‘ humanisme et sciences contemporaines’ : http://www.lerepairedessciences.fr/reflexions/science_et_philosophie_fichiers/ science_humanisme.pdf . François Mulet : Jardin des Peltier, élever le sol: https://youtu.be/3F2tITMPuBE . Christian Baudas : Couverts végétaux sous serres: https://youtu.be/sMIO-x4C7Z8 . Hervé Covès : Gestion holistique des limaces: https://youtu.be/DQ3Da73IGtw . David Mc Kee : Elmer, l’éléphanteau singulièrement bariolé. Alain Connes : Hylémorphismes: signatures acoustiques, localités et géométries non- commutatives. Dean Radin : Effect of collective empathy on correlation of quantum random numbers generators. Carlo Rovelli : Anaximandre de Milet ou la naissance de la pensée scientifique. Laurent Welsch : La relance de la vie du sol : https://youtu.be/3eX5ZYS-CXg. Perrine & Charles Herve-Gruyer : Micro-fermes: https://youtu.be/LZVkPsfYKew . Gérard Ducerf : Plantes bio-indicatrices: https://youtu.be/knkH6lzgNwU . Jean Richepin : ‘Les oiseaux de passage’ par Rémo Gary: https://youtu.be/N4g30V1JvRg . Ilya Prigogine et Isabelle Stengers : ‘La fin des certitudes’ .
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AuteurDidier Blasco Archives
Juillet 2017
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